Une société holding, à quoi sert-elle ?
elle sert à détenir des participations dans d’autres sociétés et à fournir un support administratif à ses filiales, ce qui lui permet de mutualiser certains services pour les filiales, bénéficier du régime mère-fille pour éviter une double imposition et de l’intégration fiscale pour globaliser le paiement de l’impôt sur les bénéfices. Dans une société de holding, la mobilité des salariés d’une filiale à l’autre se pose fréquemment, elle est même nécessaire pour les entreprises mais aussi pour les salariés puisqu’elle rend possible leurs évolutions professionnelles, à condition, ce pendant, qu’elle intervienne conformément au code du travail.
Il faut respecter les contrats de travail signés par les filiales
Nombreux sont les dirigeants de sociétés holding qui gèrent les ressources humaines des filiales comme s’il s’agissait d’une seule entité juridique, en procédant au déplacement d’un ou de plusieurs salariés d’une filiale à l’autre dans le cadre de mouvements au sein de leurs groupes, en utilisant le mot mutation dont ils ignorent souvent la portée juridique, et sans se soucier :
1 – des conditions prévues au contrat liant le salarié à son employeur initial, membre de la holding dont les dispositions sont imposables à celle-ci,
2 – de la modification substantielle du contrat, c’est-à-dire, du changement de l’employeur.
Le dirigeant de la société holding doit-il, dans ce cas là, être un juriste chevronné ? pas forcément, mais les conseils suivants peuvent l’éclairer et lui éviter de prendre des décisions pouvant entrainer des conséquences regrettables.
Mutation interne
Prenons, pour exemple, le cas assez fréquent de cette holding qui, dès qu’elle a pris le contrôle d’une société appelée Atlas, a, dans le cadre d’un mouvement interne, procédé à la mutation au département informatique d’un cadre de formation juridique Mr. Ali …, sans se soucier de la clause particulière prévue son contrat de travail, selon laquelle il a été engagé pour occuper des responsabilités liées à sa formation juridique.
La décision de la holding constitue un acte de licenciement abusif pour ne pas avoir respecté la clause particulière du contrat de travail dont bénéficiait le salarié.
Mutation au sein d’un groupe.
Un autre cas, lui aussi assez fréquent. Mr. Hamid …, est un ingénieur et cadre confirmé, engagé par la société Atlas depuis une dizaine d’années sans conditions particulières, son lieu de travail est à Ain-sebaa à Casablanca, mais suite à la prise du contrôle de la société Atlas par la holding, celle-ci décide, dans le cadre d’un mouvement interne au sein du groupe, de le mettre à la disposition d’une autre société du groupe située à Zagoura, décision prise sous la forme de directives pour diriger une carrière de marbre, sans aucune autre précision concernant le nouveau statut du salarié.
Cette décision est constitutive de licenciement abusif, non parce qu’elle a l’air d’une mesure disciplinaire, mais parce qu’elle n’est fondée sur aucune base juridique, car, une mutation doit, pour être régulière, conduire à une situation régulière, c’est-à-dire, soit au détachement du salarié, un statut provisoire, soit à son transfert définitif de sa société initiale à la société d’accueil, aucune autre situation n’est envisageable.
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Voyons maintenant à quoi ressemble le détachement.
Le détachement intervient fréquemment au sein des sociétés appartenant au même groupe, unies par des liens juridiques ou économiques. Lorsque le salarié est mis par son employeur à la disposition d’une autre entreprise en vue d’y accomplir une certaine mission, il est considéré en situation de détachement.
Limite dans le temps et dans l’objet.
Le détachement est utilisé pour une mission limitée dans le temps et dans l’objet, il ne peut durer des années ou avoir pour but d’écarter le salarié de son entreprise d’origine en le mettant à la disposition d’une autre société du même groupe.
Lorsque le détachement fait l’objet d’un accord, un écrit devra préciser les droits et obligations des parties réglementant la nouvelle situation. L’écrit devra préciser notamment l’objet de la mission ayant justifié la mesure et en fixer la durée.
Le salarié peut-il refuser son détachement ?
Lorsque la mesure prend la forme de directives données par l’employeur, le détachement est considéré comme une rupture du contrat de travail (Arrêt de la cour de Cassation du Maroc n° 390 du 03/05/1982, dossier social n° 92925).
Le salarié « détaché » qui, après avoir accepté son détachement et passé plusieurs années au service de l’entreprise d’accueil durant lesquelles celle-ci assurait le versement de ses salaires et ses cotisations sociales, se voit notifier la fin de son détachement et sa réintégration à son entreprise initiale, est considéré comme licencié, le détachement étant, en fait, un transfert définitif.
Il y a transfert lorsque deux sociétés se mettent d’accord sur le passage d’un salarié de l’une à l’autre avec l’accord de ce dernier. Ce passage entraine pour le salarié la rupture du contrat initial et la conclusion d’un nouveau contrat, une telle opération se rencontre le plus souvent au sein des sociétés appartenant au même groupe. Il s’en suit que l’employeur initial doit procéder à la liquidation des salaires et indemnités éventuellement dus au salarié transféré. L’opération de transfert n’étant pas réglementée par le code du travail, peut s’analyser en une modification substantielle du contrat de travail. Un avenant au contrat devra fixer les conditions du transfert. Le salarié transféré est considéré comme ayant changé d’employeur, et que le nouvel employeur prend à son compte les charges salariales dues ainsi que les accessoires y afférents (impôts, cotisations sociales etc..).
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Que dit la jurisprudence au sujet du transfert ?
Rares sont les arrêts rendus par la cour de Cassation du Maroc se rapportant au transfert des salariés d’une filiale à l’autre. En France, la jurisprudence a toujours considéré que le transfert sans l’accord du salarié constitue une modification du contrat. La cour de Cassation confirme cette tendance dans un arrêt rendu sur la base de l’article L112-14-4 du code français de travail, dont l’article 19 du code marocain s’est inspiré en utilisant la solution copier coller. La cour a jugé, le 5 Mai 2004, que le transfert du salarié d’une société à une autre constitue une modification du contrat de travail qui ne peut intervenir sans son accord, peu important que ces sociétés aient à leur tête le même dirigeant.
Plus récemment (16 février 2012), l’Oréal a été condamnée pour avoir abusivement licencié un de ses employés. Il s’agit d’un salarié embauché par un contrat prévoyant sa mutation, dans 2 ou 3 années, au sein d’une filiale étrangère. Une fois sa formation achevée, le salarié refuse ultérieurement sa mutation en chine au sein d’une société du groupe à la suite de quoi le salarié a été licencié. La cour de Cassation a jugé que le salarié ne pouvait accepter par avance un changement d’employeur, par conséquent, la clause de mobilité par laquelle le salarié s’était engagé à accepter toute mutation dans une autre société était nulle, et ce même si la société appartenait au même groupe. Le licenciement était donc injustifié. Cette position de la cour n’est pas nouvelle, il s’agit d’une confirmation du principe selon lequel un transfert dans une autre société même du même groupe est un changement d’employeur. C’est donc une modification du contrat de travail, soumise à l’acceptation du salarié.
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