Selon une jurisprudence constante et bien établie au Maroc comme en France, un PDG peut être révoqué discrétionnairement sans préavis ni précision de motifs, une règle qui existe depuis toujours.
Mais une intéressante décision de la cour de Cassation de France, rendue à la fin de l’année dernière, vient de modifier la tendance en sanctionnant l’arrêt d’une cour d’Appel qui s’était bornée à constater que la révocation ad nutum n’avait pas à être motivée.
Si les juges ne contrôlent pas la valeur du motif, précise la cour de Cassation, ils peuvent constater que la révocation était constitutive d’un abus de droit lorsque les circonstances dans lesquelles elle est intervenue sont injurieuses ou vexatoires et portent atteinte à la réputation ou à l’honneur du dirigeant évincé.
Ainsi, la révocation sur un hochement de tête est, d’après la récente jurisprudence, constitutive d’un abus de droit, et qu’il est dorénavant imposé aux actionnaires d’informer le dirigeant des griefs qui lui étaient reprochés et de le mettre en mesure de présenter ses explications avant que sa révocation n’ait été votée, une mesure qui rappelle celle relative à l’entretien préalable du salarié avant son licenciement, une procédure imposée par le code du travail et prévue aux articles 122 en France, et 62 au Maroc.
Monsieur le Président, vos homologues les PDG Français viennent de remporter un succès juridique éclatant en obligeant les actionnaires d’informer le PDG, avant sa révocation, des griefs qui lui sont reprochés et de le mettre en mesure de présenter ses explications, bref d’abandonner leur méthode humiliante de renvoyer le PDG chez lui sans aucune explication.
Ça a l’air de rien, me diriez-vous puisque cette formalité ne changera rien sur le fond. Erreur, cet entretien, qui sera consigné dans un procès-verbal, à
défaut de faire changer la décision des actionnaires, constituera une pièce maîtresse à verser au dossier du tribunal pouvant convaincre les juges d’accorder au PDG révoqué des dommages-intérêts pour abus de droit.
Pour le moment, restons au Maroc, vous êtes PDG, vous assurez, sous votre responsabilité, la direction générale de la société, vous ne bénéficiez d’aucun des droits prévus par la législation du travail, celle-ci ne vous est pas applicable, votre rémunération n’a aucun caractère salarial, la durée de votre travail n’est pas limitée, vous n’avez droit à aucun repos ni congé annuel, s’il est mis fin à votre mandat, vous n’avez droit à aucun préavis, indemnité de licenciement ou dommages-intérêts, même si vous recevez régulièrement votre fiche de paie et que votre nom figure sur la liste des salariés de la société, régulièrement déclarée à la CNSS. Ces éléments sont, d’après la jurisprudence de la Cour de cassation, insuffisants pour établir l’existence de relations de travail entre le PDG (vous-même) et la société.
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Cependant, il vous est possible de cumuler le mandant social de PDG et la qualité de salarié de la société, dans la mesure où vous étiez, avant de recevoir votre mandat d’administrateur, salarié de la société, et que votre contrat correspondait à une prestation réelle de travail et qu’il n’a pas pour but exclusif de limiter la liberté de révocation du mandat social, et que vous assuriez votre travail sous la direction et la subordination de la société.
La subordination doit se manifester à l’égard de tous les mandataires sociaux, même ceux qui, comme vous, sont à la tête de la société, vous pouvez à côté de vos fonctions de directeur général, assurer en qualité de salarié, des fonctions techniques distinctes en restant placé sous la subordination de la société, les fonctions salariées doivent être distinctes, faisant l’objet d’une rémunération propre en vertu de l’article 55 de la loi sur les sociétés anonymes et exercées sous la subordination de la société.
Si, après votre élection en qualité de PDG, vous vous faites consentir un contrat de travail, vous tomberez sûrement sous le coup de l’arrêt de la cour de Cassation, Selon lequel aucun PDG ne peut être considéré comme salarié si, au moment de son élection à la fonction d’administrateur, n’était pas titulaire d’un contrat de travail ou si celui-ci ne correspondait pas à une prestation réelle de travail, exercée sous la subordination de la société et faisant l’objet d’une rémunération propre.
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