Le contrat de travail peut cesser par la volonté du salarié au moyen d’une démission portant la signature légalisée par l’autorité compétente. Vous pensez, comme beaucoup, que c’est très simple. Faux, rien n’est plus compliqué que de réussir une séparation par démission. Voici pourquoi.
Une démission n’est pas si simple que ça,
La démission doit, selon l’article 34 du code du travail, porter la signature légalisée du salarié. Mais, qui doit rédiger le texte ? Normalement c’est le salarié, mais s’il est illettré, l’employeur peut-il lui proposer un texte à signer ? le texte doit-il être rédigé dans la langue que le salarié peut comprendre ? Le salarié qui sait lire et écrire l’arabe et pas le français, est-il considéré comme illettré ?, et si la démission du salarié comportait des conditions, ou a été donnée sous la contrainte ?
Mais, pourquoi parle-t-on de salarié illettré ?
Parce que sa signature, même légalisée, ne l’engage en rien, car, étant illettré, il n’est pas censé connaître l’objet du texte qu’il a signé.
Certains employeurs pensent que la légalisation de la signature du salarié les met à l’abri de toute contestation devant les tribunaux quant à la validité de la démission, d’autres considèrent que la démarche faite par le salarié pour obtenir la légalisation de sa signature constitue la preuve qu’il est au courant du contenu et de l’objet de la lettre imprimée.
La jurisprudence en la matière a fait savoir, à plusieurs occasions, qu’elle n’était pas de cet avis.
Quelle est donc la définition d’un illettré? Quelle est la valeur de son engagement ? La démission rédigée dans la forme d’un imprimé présenté par l’employeur, portant la signature légalisée du salarié, peut être remise en cause par les tribunaux dès lors qu’il s’agit d’un salarié illettré, car, ce qui peut être remis en cause, non pas la signature ou sa légalisation, mais bien le contenu de la lettre dont le salarié pouvait ne pas être au courant du fait de sa méconnaissance de la langue.
La jurisprudence est catégorique à ce sujet. En se basant sur l’article 427 du code civil, elle déclare que toute démission signée par un illettré est entachée de nullité.
Elle a, tout d’abord, donné une définition relative à l’illettrisme en considérant comme illettré toute personne ne sachant pas lire et écrire la langue dans laquelle le texte de démission a été rédigé, c’est-à-dire, que le salarié est considéré comme illettré par rapport à une langue donnée. On est donc loin de la définition courante selon laquelle un illettré est une personne ne sachant lire ni écrire aucune langue.
[/nextpage][nextpage]
La signature légalisée n’est pas une preuve
Dans un arrêt rendu par la cour d’Appel de Casablanca, celle-ci avait estimé que le fait, pour le salarié, de faire la démarche auprès de l’autorité compétente en vue de la législation de sa signature, constitue une preuve de ce que ce salarié était informé du contenu de la lettre. Faux, a déclaré la cour de Cassation dans un arrêt du 15/12/1993, en cassant cet arrêt et en ajoutant que dès lors qu’il s’agit d’un salarié ne sachant lire ni écrire la langue dans laquelle la démission été rédigée, il était donc considéré comme illettré par rapport à cette langue.
La décision de la cour d’Appel de Casablanca selon laquelle la démission imprimée en français (langue méconnue du salarié), était considérée comme régulière, est en violation de l’article 427 du code civil, ainsi en a décidé la cour de Cassation, dans son arrêt du 04/05/1992 ,en ajoutant que la cour d’Appel avait tort de statuer sur la régularité de la démission dès lors que le salarié avait déclaré qu’il était illettré et que, de ce fait, la démission devait, pour être valable, être reçue par un officier public.
SALARIE NON ILLETRE
La démission écrite à la main du salarié portant sa signature légalisée par l’autorité compétente ne doit, en principe, soulever aucun problème, elle est valable tant qu’elle exprime réellement et librement la volonté du salarié de quitter
définitivement son emploi sans conditions. Ainsi, n’est pas valable la démission du salarié selon laquelle il démissionnerait de son poste s’il ne reçoit pas une augmentation de salaire ou si sa femme, employée dans la même entreprise, venait à être licenciée.
En général, la volonté réelle et librement exprimée par le salarié de quitter définitivement son emploi suppose que la démission n’est pas faite sous la crainte, la menace ou la pression exercés par l’employeur.
Démission sous la contrainte
L’employeur qui, pour acculer le salarié à la démission, exerce des pressions de tous genres : mutation dans un poste contraignant ou dégradant, mise en voie de garage ou autres mesures vexatoires, pourrait être déclaré par le tribunal comme ayant, abusivement, résilié le contrat de travail, il pourrait, de ce fait, être condamné au paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
A l’inverse, ne sont pas considérés comme menaces pouvant entraîner la nullité de la démission, les propos du directeur de la société, dont l’activité a été transférée de Casablanca à Tantan, selon lesquels tout salarié qui ne rejoindrait pas son nouveau poste de travail serait licencié. Selon un arrêt du 16/12/1997 de la cour de Cassation, le salarié n’était pas obligé de démissionner, puisque le transfert lui ouvrait le droit de réclamer réparation du préjudice pour licenciement abusif fondée sur le non respect d’une clause substantielle du contrat de travail liée au lieu du travail.
[/nextpage]