Une fois les études finies, il prend l’avion pour rentrer au Maroc, dans ses bagages plusieurs diplômes, le tout dernier porte la signature d’une de ces fameuses grandes écoles françaises. Il est jeune ambitieux avec une bonne dose d’angoisse. Il fait ses premières armes à Casablanca dans l’audit, au service d’une importante holding intervenant dans le secteur industriel, celle-ci ne sait quoi faire d’une filiale en difficulté. Le jeune auditeur est alors chargé de la diagnostiquer, donner un pronostic et présenter un plan de redressement. Six mois plus tard, la holding décide de confier la direction générale de la filiale à un comité de direction présidé par le jeune auditeur.
Cinq années plus tard, celui-ci s’avère un redoutable dirigeant d’entreprise, il a, en l’espace de peu d’années, pu sauver une filiale qui allait tout droit vers la liquidation. La holding transfère à la filiale, sur demande de cette dernière, le contrat de travail du jeune auditeur, qui devient salarié de la filiale avec effet rétroactif, il est alors désigné directeur général-salarié, une situation conforme à l’article 43 qui autorise le cumul du contrat de travail et du mandat de DG. Une année plus tard, le jeune DG-salarié est nommé PDG-salarié, ce nouveau mandat social est cumulable avec le poste de salarié de la filiale. Dans la même année, un événement important se produit, la holding se retire du capital de la filiale en cédant sa participation majoritaire à un actionnaire co-fondateur, un puissant groupe étranger qui devient seul maître à bord.
Acte II
Le jeune PDG, dont le mandat d’administrateur est renouvelé pour une nouvelle période, remarque que la maison-mère devient brusquement insensible à son dynamisme, mais il comprendra plus tard que cette dernière a décidé de liquider l’immense patrimoine immobilier et industriel de l’entreprise et de se contenter d’un bureau de représentation.
L’ambitieux PDG, réduit à un simple liquidateur, fait de la résistance au nom des pouvoirs qui lui sont conférés, une situation qui ne peut durer longtemps. Les relations se compliquent si bien qu’un beau jour, deux administrateurs de la société, venus de l’étranger, investissent très tôt le matin le siège social de l’entreprise, s’installent dans les bureaux du PDG, et tiennent, sur place, une réunion extraordinaire de l’assemblée générale, le premier administrateur se fait élire nouveau président du conseil, le second nouveau directeur général, les deux extraterrestres qui représentant, entre eux deux, le capital de la société, pensent agir en toute légalité en appliquant la règle selon laquelle un PDG est révocable sur un simple hochement de tête des actionnaires ou, comme en l’occurrence, sur un simple coup de force. Mais le jeune PDG évincé pense, quant à lui, que s’il n’a aucun droit d’exiger des explications au sujet de sa révocation en sa qualité de mandataire social, il a , par contre, le droit en tant que salarié de la société, non seulement d’exiger des explications (article 62 du code du travail), mais aussi, de réclamer des indemnités pour résiliation unilatérale de son contrat de travail.
Acte III
Une action en justice est alors introduite par le PDG révoqué qui aboutit à un jugement en sa faveur lui reconnaissant la qualité de salarié et condamnant son employeur au paiement d’importantes indemnités pour rupture abusive du contrat de travail, une décision confirmée par la cour d’Appel, ce qui a permis la mise en exécution du jugement et le règlement, au profit du PDG révoqué, des indemnités prononcées par la justice.
Acte IV
En statuant sur le pourvoi en Cassation formé par l’employeur, la cour de Cassation casse la décision de la cour d’Appel et déclare que le PDG ne bénéficiait pas, lorsqu’il était mandataire social de l’entreprise, de la qualité de salarié. Ainsi les sommes perçues devront être restituées à l’employeur.